gardez le sourire

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La Pierre rouge (conte)

La Pierre rouge

 

Quand cette histoire commence, toutes les fenêtres du palais sont bleues : la septième femme du sultan de Samarcande met au monde un garçon, aussitôt baptisé Emhammed. L'enfant grandit, instruit par les savants et les poètes les plus fameux du royaume, mais plus il étudie, plus il devient violent, batailleur, malfaisant, au point que son père, désespéré de le voir ravager son palais, persécuter ses serviteurs, insulter ses vizirs, décide de l'exiler.

 - Va t'en, lui dit-il, je suis fatigué de toi.

 Il lui donne un mulet, quelques provisions et Emhammed s'en va tristement, trébuchant aux cailloux du chemin. Sa mère l'accompagne: elle n'a pas voulu abandonner son fils. Ils vont ensemble, droit devant eux, des jours, des nuits. Ils s'épuisent. Un soir, la pauvre femme à bout de forces tombe sur le sable du désert en gémissant :

- Je ne peux aller plus loin. Je meurs de soif.

Emhammed l'enveloppe dans une couverture.

- Tu ne mourras pas, lui dit-il, je vais chercher de l'eau. Avant l'aube, je serai de retour.

Il s'en va, sur son mulet. Il erre longtemps. Enfin, à la lueur de la lune, dans la nuit claire, il aperçoit, au loin, une oasis. Sous les arbres de cette oasis, il découvre une fontaine, il puise de l'eau, il revient vers sa mère, il la ranime. Au matin il la conduit à l'ombre fraîche des palmiers. Là, ils campent, au bord de la source. Ce jour-là, ils se reposent. Le soir venu, ils s'endorment paisiblement dans le parfum des buissons de fleurs.

Au milieu de la nuit, Emhammed est réveillé par des bruits étranges. Il se lève. Quelqu'un gémit, là-bas, dans l'ombre. Il s'avance sur la pointe des pieds. Dans la lumière pâle de la lune, il aperçoit une jeune fille d'une grande beauté. C'est elle qui pleure et qui se plaint lamentablement: elle est suspendue par les cheveux à la branche basse d'un grand arbre, et de sa poitrine fendue le sang ruisselle. Mais à peine ce sang vif a-t-il touché le sol qu'il se change en petites pierres rouges, lumineuses, magnifiques. Emhammed ramasse une de ces pierres précieuses, il la met dans sa poche, puis il grimpe sur l'arbre pour dénouer la chevelure de la jeune fille attachée à la branche. A peine est-il dans le feuillage que le ciel tonitruant s'ouvre au-dessus de sa tête. Un tourbillon noir descend sur l'oasis. De cette nuée sort un démon terrifiant. Emhammed s'enveloppe de feuilles pour n'être pas découvert. Le démon s'approche de la jeune fille. Il souffle sur elle, prononce une formule magique. Voilà la pauvre torturée debout devant lui, tout à coup délivrée. Le monstre pose ses mains sur elle. De petites flammes jaillissent de ses yeux. Il rugit.

- Aime-moi! Aime-moi!

Elle se débat et le repousse. Alors le démon prononce une nouvelle incantation magique et disparaît. La jeune fille se retrouve comme elle était, pendue par les cheveux, perdant son sang par sa gorge fendue.

Emhammed, que ces prodiges épouvantent, s'éloigne, rejoint son campement et réveille sa mère. Il lui raconte ce qu'il vient de voir.

- Ne restons pas ici, lui dit la pauvre femme. Cet endroit est maléfique.

Ils font à la hâte leurs bagages et ils s'en vont, poussant leur mulet dans le désert.

 

1. Recopie dans la case blanche le premier groupe nominal qui désigne le personnage qui surgit de l'oasis quand Emhammed grimpe à l'arbre :

(bonne réponse = 9% des points)

2. Recopie à présent les deux autres groupes nominaux qui désignent ce même personnage (dans l'ordre où ils apparaissent dans le texte) :

(bonnes réponses = 27 % des points)

 

3. Ces noms sont-ils des noms propres?

(bonne réponse = 36 % des points)

 

Le lendemain, ils parviennent aux portes d'une grande et belle ville aux remparts de pierre brune. Dans cette ville, ils louent une petite boutique sur une place populeuse et vivent là, tranquillement. Un soir, comme il prend le frais devant sa porte, Emhammed pense tout à coup à la pierre rouge qu'il a oubliée au fond de sa poche. Il la prend dans sa main. Aussitôt elle se met à briller tant et si doucement que sa lumière illumine la façade de sa maison. Emhammed prend un livre et se met à lire à voix haute, dans la lumière de la pierre. Ce soir là, il parle avec tant d'éloquence paisible, avec tant de charme que tous les soldats du guet et les gardiens de la cité se rassemblent autour de lui pour l'écouter. Le lendemain, ils racontent partout ce qu'ils ont vu, et entendu. Alors le roi de la ville convoque Emhammed dans son palais. Il lui dit:

- Quelle est cette lumière qui t'éclairait cette nuit?

Emhammed ouvre sa main:

- voici, dit-il. Cette pierre rouge m'éclairait.

Le roi se penche et s'émerveille.

- J'aimerais l'offrir à ma fille, dit-il.

- Je te la donne, répond Emhammed.

Il la met dans la main du roi.

Quand la princesse voit cette pierre précieuse, elle joint les mains devant son visage, tant elle la trouve belle.

Elle s'écrie:

- J'en veux une autre.

Le roi se tourne vers Emhammed.

- As-tu entendu? lui dit-il.

Emhammed hoche la tête. Il s'en va.

Le voici dans l'oasis où il rencontra la jeune fille pendue par les cheveux, perdant son sang par sa gorge blessée. Il la revoit à la lueur de la lune, comme il l'a vue. A ses pieds, chaque goutte de sang tombée sur le sol se transforme en pierre rouge. Il ramasse une de ces pierres. Il veut à nouveaux délivrer la prisonnière: il ne peut. Cette fois encore le tonnerre gronde, le ciel se fend et le démon qui la persécute apparaît en rugissant. Emhammed se cache, il écoute les incantations magiques que prononce le malfaisant, et prend la fuite en tremblant. Il revient à la ville, il offre sa deuxième pierre à la fille du roi. Alors elle sourit et tend la main:

- J'en veux une troisième.

Emhammed baisse la tête. Il revient vers sa mère qui l'attend à la porte du palais royal et lui dit:

- Par le dieu qui a inscrit sur mon front les épreuves de ma vie, cette nuit je combattrai le démon qui torture la jeune fille de l'oasis. Je sais par coeur la formule magique qu'il prononce pour lui rendre la vie. Ou je la sauverai, ou je mourrai. Ma mère, adieu.

Sur son chemin, il rencontre un vieillard. Ce vieillard courbé sur son bâton le regarde, saisit son poignet et lui dit:

- Tu vas livrer un terrible combat, fils. Où sont tes armes? Le ravisseur des épousées –c’est ainsi que l'on nomme le démon de l'oasis- le ravisseur des épousées n'est pas un ennemi que l'on peut combattre à mains nues. Prends mon bâton, tu en auras besoin.

- Merci, vieil homme, dit Emhammed.

Il saisit ce bâton. Alors, dans son poing, il se métamorphose soudain en une épée étincelante, si dure et si tranchante qu'elle pourrait trancher un roc en deux. Emhammed ébloui contemple un instant cette arme merveilleuse, puis il lève les yeux vers le vieillard. Mais il ne voit autour de lui que le sable du désert.

L'étrange pèlerin a disparu.

 

  4. Quels sont les deux groupes nominaux que le vieil homme utilise pour désigner le démon qui sort de l'oasis?

(bonnes réponses = 54 % des points)

 

5. "Sur son chemin, il rencontre un vieillard. " ; trouve les deux autres groupes nominaux qui  désignent ce vieillard :

(bonnes réponses = 72% des points)

 

 

Maintenant, les étoiles s'allument dans le ciel. Dans l'oasis, Emhammed attend le démon. Le ciel se fend.

Dans un tourbillon noir le ravisseur des épousées apparaît. Emhammed lève son épée qu'il tient à deux mains, il l'abat et d'un seul coup partage en deux le monstre. La jeune fille pousse un grand cri. Il la délivre.

Elle ne saigne plus, elle ne souffre plus. Le maléfice est rompu. Voici les deux jeunes gens face à face.

- Me veux-tu pour époux? lui dit Emhammed.

Elle répond:

- Me veux-tu pour femme?

Ils rient ensemble. Ensemble ils reviennent à la ville. Emhammed va offrir à la princesse sa troisième pierre et rentre chez lui.

Le lendemain matin, les gardes du roi viennent le chercher et le conduisent au palais.

- Ma fille, lui dit le roi, veut maintenant un collier de corail rouge. Qu'il soit ici sur cette table, avant demain midi. Sinon, tu auras la tête tranchée.

Emhammed revient auprès de sa femme, désespéré.

- Ne te désole pas, lui dit-elle. Demain, à l'heure dite, la fille du roi aura ce qu'elle désire. De la pointe du couteau elle s'entaille le doigt et du sang qui coule, goutte à goutte, naît un collier de corail.

Emhammed, triomphant, au creux de ses mains jointes, rentre au palais.

- C'est bien, lui dit le roi. Mais aujourd'hui, la princesse ma fille fait un nouveau caprice. Elle veut un tapis assez grand pour recouvrir la ville entière.

Emhammed triste à mourir, la tête dans les épaules, va confier à sa femme sa nouvelle douleur.

- Je suis perdu, dit-il. Je ne pourrai jamais trouver un tapis de pareilles dimensions.

Elle répond:

- Fais- moi confiance. Reviens à l'oasis où j'étais prisonnière. Au cœur de cette oasis est un arbre immense. Dans le tronc de cet arbre est une porte. A cette porte tu frapperas. Une vieille femme viendra t'ouvrir. Tu lui diras: "Ta fille t'envoie bien le bonjour. Elle te demande de me remettre le mouchoir avec lequel elle jouait quand elle était petite."

 

6. Retrouve dans le texte les trois groupes nominaux qui désignent le personnage qui fait un nouveau caprice (inscris-les dans l'ordre) :

(bonnes réponses = 100% des points)

 

Ainsi fait Emhammed. Il court à l'oasis, et la vieille femme lui remet le mouchoir demandé. "Il ne pourra jamais couvrir la ville entière", se dit Emhammed. Il le porte au roi, pourtant. Alors un coup de vent emporte le bout d'étoffe par la fenêtre. Et voilà qu'il s'étire, dans le ciel, il grandit tant et si bien qu'il recouvre bientôt toute la ville. La princesse bat des mains devant ce prodige. Puis elle dit à Emhammed:

- Maintenant je sais que tu es assez puissant pour m'offrir ce que je désire le plus au monde: l'homme grand comme ma main qui porte une épée longue comme mon bras.

- Elle est folle, se dit Emhammed, et je vais mourir de sa folie.

Il revient chez lui. Sa femme le console:

- Cette fois, lui dit-elle, tu es au bout de tes peines. Reviens cogner au grand arbre de l'oasis, et dis à la vieille femme qui t'ouvrira la porte: "Ta fille te souhaite le bonjour. Elle te fait dire de lui envoyer son père. Elle languit du désir de le voir."

Quand Emhammed dit ces paroles à la vieille femme, elle lui répond en riant:

- Il est déjà parti. Si tu cours comme une gazelle, tu pourras peut-être le rattraper.

Emhammed revient à la ville. Au palais royal, il découvre un étrange spectacle: le roi et sa fille sont morts, décapités par une épée longue comme le bras. Cette épée, un bonhomme grand comme la main la traîne maintenant sur les dalles. Il vient à la rencontre d'Emhammed. Il lui dit, d'une voix fluette:

- Je suis le roi des génies. Tu as délivré ma fille, tu l'as épousée et tu la rends heureuse. Il est juste que je te fasse un cadeau.

C'est ainsi qu'Emhammed devint roi. Son histoire finit ici, car un roi véritable est comme un arbre immobile au milieu du monde.

 

   Henri Gougaud, L'Arbre à Soleils



27/07/2008
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